Soldat de l'Empire

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Etre toujours aux aguets. Toujours sur ses gardes. Vigilance constante. Voilà ce que se répète Orcan, matricule HG2Z-2451, tandis qu’il patrouille à travers la base impériale de la 256ème compagnie d’infanterie, sur Coruscant.
Il ne fait pas partie de ces soldats d’opérette, méprisants et orgueilleux, qui jouent de leur statut de soldats de l’empire. Orcan est un stormtrooper, un véritable soldat d’élite. Il a connu le déluge du feu sur des dizaines de planètes, luttant vaillamment contre les terroristes de la Rébellion.
Il ne comprendra jamais ces anarchistes. Que peuvent-ils donc avoir dans le crâne ? Les jours où il broie du noir, il se demande même s’il y a la moindre parcelle d’intelligence en eux. Ces imbéciles espèrent-ils donc que leur misérable mouvement révolutionnaire va venir à bout de l’Empire ? Les fous. L’Empire est une bonne chose, tout le monde le sait. Il a apporté la civilisation sur bien des planètes primitives. Orcan lui-même a bénéficié d’une éducation qu’il n’aurait pas pu espérer obtenir sur le monde reculé qui l’a vu naître. L’Empire a été bon pour lui.
L’Empereur s’est sacrifié durant toute sa vie pour maintenir la cohésion galactique : il a lutté contre les Séparatistes qui, déjà, voulaient réduire en miettes la République, de connivence avec les traîtres Jedi. Le cœur d’Orcan se serre à chaque fois qu’il voit un holo de l’Empereur, défiguré par l’attaque de ces sorciers maléfiques. Désormais, une nouvelle génération a repris ce flambeau de la guerre, et ces irresponsables de rebelles, plutôt que de chercher des solutions pacifiques aux problèmes de l’Empire, n’ont rien trouvé de mieux à faire que déclencher la spirale de la violence aveugle.
Certes, Orcan admet qu’il y a des problèmes au sein de l’Empire. Ses dirigeants ont parfois dû faire passer la sécurité avant les libertés individuelles. Mais pourquoi les insurgés refusent-ils avec la dernière obstination de reconnaître le bien-fondé des mesures impériales ? Pour Orcan, ces gens méprisables sont aveuglés par la conquête du pouvoir.

Orcan se souvient avoir éprouvé une fureur froide en apprenant que ces terroristes avaient fait exploser Alderaan. Certes, Bail Organa était connu pour être, dans le meilleur des cas, un soutien tiède de l’Ordre Nouveau, mais ceci n’excusait en rien le geste des rebelles : annihiler ainsi sans le moindre état d’âme une planète entière, exterminer des milliards d’êtres vivants. Il était glaçant de constater jusqu’à quelles extrémités ces irresponsables étaient prêts à aller.
Il a été dégoûté de savoir que les propagandistes rebelles ont eu le culot de tenter de faire endosser ce crime ignoble à l’Empereur, et le pire a été de voir que leurs discours insidieux ont porté leurs fruits. Beaucoup d’Alderaaniens, abusés par cette vérité tronquée martelée avec force, ont rejoint les rangs de la Rébellion. Dont la propre fille du sénateur Organa, ce qui souligne assez leurs machinations tordues. Se rendra-t-elle compte un jour qu’elle a été trompée ?

Des fanatiques, voilà ce qu’ils sont. L’espèce d’ennemis la plus dangereuse qui soit. Orcan a pleuré de rage quand la mort de l’Empereur a été annoncée. N’existait-il donc plus de justice dans cette galaxie ? Le chaos et la folie allaient-ils donc l’emporter ?
Par un effet boule de neige, le chaos s’était également installé dans l’Empire, qui avait failli se disloquer. Heureusement, après quelques mois de flottement, les opportunistes et autres traîtres ont été écartés ou exécutés, et l’ordre est revenu, personnalisé par Ysanne isard.
Au départ, Orcan a été dubitatif, voire choqué qu’une femme revendique le pouvoir sur l’Empire. Qu’avait-elle pour elle, à part le fait d’être la fille d’Armand Isard, membre éminent de l’administration impériale ? Le stormtrooper a vite été rassuré. La nouvelle dirigeante a fait preuve de l’inflexibilité essentielle du dirigeant efficace, et il s’est surpris à éprouver une certaine admiration pour cette femme hors du commun. En fin de compte, elle semble être la meilleure candidate pour redresser l’Empire, et de le faire revenir au faîte de sa gloire, rempart contre la barbarie non-humaine qui cherche à s’imposer partout, cancer rongeant les piliers de la civilisation.

Tandis que ces considérations défilent dans un coin de sa tête, Orcan n’en est pas moins attentif à sa ronde. Aux aguets. Prêt à réagir au moindre signe de danger. Il faut dire que la situation s’y prête : les rumeurs d’une invasion imminente du Centre Impérial par les Rebelles n’ont fait qu'enfler ces dernières semaines, aussi tout le monde est sur le qui-vive. Orcan a parfois du mal à imaginer qu’on en soit arrivé là, que la capitale de l’Empire puisse être un jour attaquée voire prise par les impitoyables rebelles assoiffés de sang. Et pourtant.

Alors qu’il entre dans la zone de la base où sont stationnés les véhicules militaires, son blaster E-11 prêt à servir, une alarme tonitruante se met à déchirer l’air. Un message automatique se fait entendre sous son casque, indiquant une intrusion. Orcan se met promptement à l’abri, derrière un landspeeder. Puis il balaye du regard la zone des véhicules, méthodiquement, au cas où. Nul besoin de surveiller ses arrières, car il arrive de place centrale de la base, qui doit déjà être sous la surveillance active des miradors. Même s’il ignore d’où vient la menace – peut-être à l’autre bout de la base – il préfère être prêt, au cas où. Orcan est un bon soldat, qui ne laisse rien au hasard.
Au bout d’une longue minute, la voix de son capitaine se fait entendre dans son casque :
– Ici le capitaine Hogree. L’alerte provient de la zone des véhicules, je répète, l’alerte provient de la zone des véhicules. Convergez vers cette position !
– Capitaine, ici HG2Z-2451. Je suis embusqué à l’entrée de la zone en question, monsieur. Attente d’instructions.
– La zone de… ? N’y entrez pas plus avant ! Maintenez la position, j’arrive avec des renforts ! Terminé !
– A vos ordres, monsieur.

Orcan se réjouit intérieurement. Le professionnalisme et l’efficacité sont décidément l’apanage impérial. Il scrute scrupuleusement les lieux, tout en restant à l’abri. Les Rebelles seraient-ils en train de passer à l’attaque ? Si c’est le cas, ces imbéciles vont comprendre leur douleur, et savoir ce qu’il coûte d’avoir la folie de défier l’armée impériale. Qu’ils y viennent, pense Orcan en imaginant déjà des hordes de rebelles dépenaillés, non-humains et à peine capables de communiquer verbalement.
Là ! Un mouvement ! L’impression n’a été que fugitive, mais Orcan a déjà pointé son blaster, doigt sur la gâchette. Les trente secondes suivantes passent très vite pour lui. Il est tellement concentré qu’une éternité pourrait s’écouler. Il attend une éventuelle erreur de l’intrus…qui la commet !
Une silhouette de petite taille fait son apparition, surgissant en courant de derrière un camion massif. Il tourne le dos à Orcan, caché à cent mètres de lui. Le Stormtrooper éprouve une bouffée de mépris envers le rebelle : il est évident qu’il fuit sous le coup de la panique. Orcan n’hésite pas : il épaule son blaster, vise soigneusement, et lâche une seule salve, qui atteint le rebelle en pleine tête. L’intrus roule dans la poussière et reste là, inerte.
Le Stormtrooper ne bouge pas non plus. Et si l’intrus n’était pas seul ? Il ne décèle rien de plus, tandis que son capitaine et une escouade le rejoignent. Orcan résume brièvement les faits, avant que le capitaine donne l’ordre d’investir le périmètre. Tous deux s’avancent vers le cadavre, couché sur le ventre. Orcan retourne le corps du bout de sa botte, pour voir à quoi à quoi ressemble la créature. Il ne tressaille pas en voyant le visage qui apparaît. Son capitaine, lui, inspire bruyamment et dit, le voix tremblante :
– Ne me dites pas que…vous voyez la même chose que moi ?
– Si, mon capitaine, répond Orcan, imperturbable.
Sous leurs yeux gît le corps d’un enfant humain, qui semble âgé d’une dizaine d’années. Ses yeux vitreux sont ouverts.
– Il arrive, reprend Orcan, que des petits animaux, ou des gosses qui cherchent un peu d’adrénaline, parviennent à franchir nos défenses, en profitant de failles dans le champ de force.
– Mais vous ne vous rendez pas compte ? vous avez tué un gamin ! Un gamin !
– Je n’ai fait que mon devoir, monsieur. Nous sommes dans une zone sécurisée, il n’avait rien à faire là.
– Je…vous n’êtes qu’un…un…
Le capitaine ne finit pas sa phrase, car son comlink bipe.
– Quoi ? hurle-t-il dedans.
– Les rebelles attaquent le Centre Impérial, capitaine ! Ils ont réussi à détruire les boucliers ! tout le monde aux postes de combat.

Dès la fin de la communication, Orcan, matricule HG2Z-2451, tourne les talons et part en courant vers le poste qui lui a été assigné en cas d’attaque. Il a été dépité de constater que son « rebelle » n’était qu’un gosse, lui qui se voyait déjà recevoir une citation. Comme un bon soldat doit toujours positiver, il se félicite tout de même de sa précision : il a fait mouche du premier coup. Que les vrais rebelles viennent, Orcan est prêt à les recevoir ! Il est un bon soldat, il vient une fois de plus de le prouver, et il sait que ce ne sera pas la dernière fois aujourd’hui.

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